HomeAfricaLettre ouverte au Professeur Cheikhn Oumar Diagne : Sur l’

Lettre ouverte au Professeur Cheikhn Oumar Diagne : Sur l’


Cher Professeur,

Vous affirmiez récemment, avec une assurance professorale, qu’il est « impossible de cacher une dette ». Votre propos se voulait une leçon d’économie publique, une mise en garde contre les approximations du discours politique. Mais le réel, dans sa brutalité implacable, vous a aussitôt rappelé à l’ordre : le Fonds monétaire international par la voix de sa directrice, Mme Kristalina Georgieva, confirmait l’existence d’une dette cachée contractée sous le magistère de Macky Sall. Une révélation qui, au-delà du simple démenti, met en lumière la tension entre deux postures contradictoires: celle du chercheur soucieux de vérité, et celle du militant emporté par la colère politique.

Car il est parfaitement légitime d’avoir des divergences politiques avec le régime du President Bassirou Diomaye Faye. La démocratie vit de la contradiction, et le débat d’idées suppose le pluralisme des voix. Mais lorsque la question en jeu touche à la véracité des faits, à la rigueur des chiffres et à l’intégrité du discours public, c’est le savant qui doit parler, non le politique blessé. Dans ces circonstances, la responsabilité intellectuelle impose de suspendre la passion partisane au profit de la raison critique.

Le rôle du chercheur -surtout lorsqu’il intervient dans l’espace public- n’est pas d’ajouter de la confusion au tumulte, mais de restaurer la clarté au détriment l’émotion. C’est à ce titre que votre affirmation, péremptoire et sans nuance, a choqué : non parce qu’elle exprimait une opinion, mais parce qu’elle trahissait un positionnement. En niant la possibilité même d’une dette cachée, vous ne défendiez pas une hypothèse scientifique ; vous défendiez une posture politique, celle d’un homme en rupture avec un régime dont il ne partage plus ni la méthode ni les orientations.

Or, la rigueur scientifique exige un effort de désengagement. Max Weber, dans Le savant et le politique (1919), rappelait qu’il existe une frontière entre la conviction et la démonstration, entre le combat idéologique et la recherche du vrai. Le scientifique n’a pas à se taire face au pouvoir, mais il doit parler en connaissance de cause, armé de faits et non de ressentiments. En contestant la possibilité d’une dissimulation comptable, vous avez confondu le devoir de doute du chercheur avec le refus de voir du militant.

Les faits, eux, sont têtus. Le FMI, en confirmant l’existence d’engagements financiers non déclarés, a non seulement invalidé votre thèse, mais révélé une pratique : celle d’une gestion opaque des finances publiques sous Macky Sall. Cacher une dette n’est pas une impossibilité technique ; c’est une tentation politique.un choix délibéré de la dissimulation. Et c’est précisément pour cela que le rôle de l’intellectuel est essentiel : dire la vrai quand le pouvoir ment, mais aussi avoir le courage d’accepter la vérité quand elle dérange nos propres certitudes.

Cher Professeur, nul ne vous conteste le droit à la critique du régime actuel. Mais dans ce débat précis, la question dépasse les clivages politiques, elle touche à la crédibilité du savoir et à la responsabilité morale de ceux qui le portent. La République a besoin de ses intellectuels, non comme procureurs ou porte-parole de camps, mais comme gardiens du sens.

Votre parole a du poids, elle n’est pas comme la mienne et c’est pour cela qu’elle engage. L’histoire jugera moins la justesse de vos colères que la fidélité de votre esprit à l’exigence de vérité.La devoir de l’intellectuel est d’éclairer les consciences et non d’aggraver la crise du sens

Avec le respect dû à la controverse intellectuelle,
PST

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