Dans les rues animées de Tivaouane-Peulh, un quartier en pleine expansion près de Dakar, A.T. Diallo était jusqu’à récemment perçu comme un pilier de la communauté. Commerçant prospère, généreux et fiable, il gérait une quincaillerie florissante qui approvisionnait les chantiers locaux en matériaux de construction. Mais derrière cette façade respectable se cachait un escroc méthodique. En l’espace de quelques jours, il a orchestré une arnaque audacieuse, empochant 46,5 millions de FCFA avant de s’enfuir vers la Guinée, laissant derrière lui une famille dévastée et une réputation en lambeaux.
A.T. Diallo n’était pas un inconnu dans le quartier. Sa quincaillerie importait régulièrement des conteneurs de fer et d’autres matériaux depuis le Port de Dakar, générant des transactions quotidiennes pouvant atteindre plusieurs millions de FCFA. Il était un client VIP pour les points de transfert d’argent locaux, où il effectuait des opérations massives qui boostaient les commissions des gérants.
Mouhamadou Moustapha Ndiaye, l’un des gérants victimes de l’escroquerie, se souvient : « Il pouvait faire des opérations allant jusqu’à quatre millions en une journée. C’était un excellent client, il faisait grimper nos commissions. » Cette relation de confiance, bâtie sur des années de transactions régulières, a créé un terrain fertile pour la manipulation. Personne n’aurait soupçonné que ce commerçant modèle préparait un coup d’éclat frauduleux.
Tout a commencé il y a environ deux mois, selon les informations rapportées par L’Observateur. Prétextant un plafonnement de son compte bancaire, A.T. Diallo a sollicité les gérants de quatre points de transfert d’argent pour effectuer des opérations en son nom. Il promettait un remboursement rapide une fois les fonds reçus. Habitués à son sérieux, les gérants ont accepté sans hésiter, certains allant même jusqu’à mobiliser les numéros de téléphone d’amis pour l’assister.
Le vendredi fatidique, Diallo passe tour à tour dans chacun des points, tous situés à proximité les uns des autres. Son discours est rodé : il doit réceptionner des conteneurs au Port de Dakar, mais manque temporairement de liquidités. Il assure un remboursement en fin de journée. Convaincus par des années de fiabilité, les gérants exécutent les transferts, totalisant 46,5 millions de FCFA.
Le soir venu, aucun signe de vie. Pas d’appel, pas de visite. Les gérants ne s’alarment pas immédiatement, mais le samedi matin, la réalité les frappe de plein fouet.
Inquiets, les victimes se rendent au domicile d’A.T. Diallo. La maison est vide. Sa famille deux épouses et plusieurs enfants est elle-même sous le choc : il est parti sans un mot, les abandonnant à leur sort. Des enquêtes de voisinage révèlent un témoignage clé : un chauffeur de taxi clandestin affirme avoir déposé Diallo à la gare des Baux Maraîchers, à Pikine, dans la nuit du vendredi au samedi.
Deux plaintes sont déposées sans tarder : l’une à la Division des investigations criminelles (DIC), l’autre à la Brigade de recherches de Keur Massar. Les premières géolocalisations placent le fugitif à Vélingara, puis à la frontière sénégalo-guinéenne. Les enquêteurs découvrent rapidement le mobile : Diallo était lourdement endetté et venait de recevoir une convocation policière pour une affaire de vente de terrain litigieux. Craignant une arrestation imminente, il aurait opté pour un dernier coup d’envergure, ciblant ceux qui lui faisaient le plus confiance.
Les 46,5 millions de FCFA ne représenteraient que la partie émergée de l’iceberg. Plusieurs clients affirment avoir confié d’importantes sommes à Diallo peu avant sa fuite, pour des achats de matériaux ou d’autres transactions. L’enquête en cours pourrait révéler un préjudice total bien supérieur, impliquant d’autres victimes dans le quartier.
Pendant ce temps, A.T. Diallo poursuit sa cavale, probablement en Guinée, où il aurait trouvé refuge. Au Sénégal, il laisse un vide béant : une famille brisée, une quincaillerie abandonnée et une communauté trahie. Cette affaire met en lumière les dangers de la confiance aveugle dans les relations commerciales, même avec des figures apparemment irréprochables.
Les autorités appellent toute personne disposant d’informations sur la localisation de Diallo à se manifester. En attendant, les gérants escroqués espèrent une justice rapide pour récupérer leurs fonds et restaurer leur équilibre financier. Cette escroquerie, orchestrée avec une précision chirurgicale, rappelle que derrière les apparences se cachent parfois des intentions bien plus sombres.
