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Marché de “71 Milliards F FCA” passé entre ACD et le Ministèr


ACD, KFW et l’urgence fictive et l’approbation du marché sur la base d’un termsheet : le scandale du marché illégal de 71 milliards refait surface

Le collectif des fournisseurs Technologie et Services, Carrefour Médical, SODEMED SARL et Kalahari International Business dénoncent un marché de 71 milliards FCFA passé par entente directe entre le ministère de la Santé et la société ACD, en partenariat avec KfW. Selon eux, le marché aurait été conclu sur des motifs d’urgence fictifs sans financement préalable en violation des règles de marchés publics avec une surfacturation présumé de 20 milliards francs CFA et crée un risque de monopole, exposant le système sanitaire à de lourdes conséquences économiques, sociales et sanitaires.

Le 31 juillet 2025, le collectif des fournisseurs — Technologie et Services, Carrefour Médical, SODEMED SARL et Kalahari International Business — a transmis à l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP) une lettre de dénonciation. Celle-ci s’accompagne de l’arrêt de la Cour suprême relatif à leur recours contre l’État du Sénégal.

La haute juridiction, tout en statuant sur le financement allégué du marché, a renvoyé les fournisseurs vers l’ARCOP pour qu’elle examine les faits liés à la passation du marché, notamment la légalité de l’entente directe et les risques de monopole.

Le marché, d’un montant exact de 71 315 140 944 francs CFA, a été conclu entre le ministère de la Santé et de l’Action sociale sous le régime de Macky Sall et la société Afrique Conception et Distribution (ACD), en partenariat avec KFW. La justification avancée repose sur un financement prétendu de KFW pour le relèvement des plateaux techniques d’imagerie médicale des hôpitaux, mais la banque allemande a formellement réfuté tout engagement.

 

« Nous ne sommes pas contre l’action de l’État pour moderniser les équipements, mais nous refusons que le marché soit passé dans l’opacité et au profit exclusif de quelques entreprises », déclare un représentant du collectif.

 

Urgence impérieuse : un argument contesté

L’article 77 du Code des marchés publics encadre strictement le recours à l’urgence impérieuse, qui doit résulter de circonstances imprévisibles et indépendantes de l’autorité contractante. Or, le collectif souligne que le marché était prévu depuis 2022 et que son exécution était planifiée sur 24 mois, bien avant les événements invoqués.

« Faire croire que l’urgence est réelle alors que tout a été préparé depuis deux ans est un mensonge flagrant », souligne un fournisseur du collectif.

Les fournisseurs dénoncent donc une manœuvre destinée à contourner l’appel d’offres, brisant les principes de transparence et d’égalité de traitement.

Le marché comporte quatre lots principaux :

Lot 1 : Équipements d’imagerie médicale (38,6 milliards FCFA)

3 IRM, 24 scanners, 1 salle d’angiographie, 30 amplificateurs de brillance, 10 appareils radio mobiles, 10 tables télécommandées, 35 tables os-poumons, 10 appareils mammographiques, 82 reprographes, 25 injecteurs, 15 bacs, 5 solutions cockpit.

Lot 2 : Acquisition d’ambulances (6,3 milliards FCFA)

75 ambulances médicalisées de type wagon et 25 ambulances de type fourgon.

Lot 3 : Construction clé en main de l’hôpital de Bakel (20 milliards FCFA)

Lot 4 : Centre d’imagerie et de diagnostic (6,1 milliards FCFA)

Le collectif alerte sur un risque de monopole, particulièrement pour les lots 1 et 2, qui concentrent imagerie médicale et ambulances. L’exclusivité de la maintenance et de la fourniture des consommables pourrait générer des marges annuelles de 10 à 12 milliards FCFA, soit environ 120 milliards sur dix ans, au profit d’une seule société. Les autres fournisseurs — Technologie et Services, Carrefour Médical, SODEMED SARL et Kalahari International Business — se retrouveraient ainsi évincés malgré leurs investissements.

 

Conséquences économiques et sociales

Le monopole crée une pression financière énorme sur le secteur sanitaire. Les entreprises historiques ont investi dans la formation de personnels, l’acquisition de matériels et la maintenance d’équipements. En cas de concentration des services entre ACD et Siemens, ces investissements seraient perdus et certaines entreprises pourraient se retrouver en faillite, fragilisant l’écosystème biomédical sénégalais.

Sanitairement, le système devient dépendant d’un seul acteur : toute défaillance d’ACD ou KFW pourrait paralyser les activités de diagnostic, mettant en danger les patients. Une interruption prolongée pourrait avoir des conséquences dramatiques dans tout le pays, en particulier dans les hôpitaux régionaux.

« Si un seul fournisseur contrôle tous les équipements, le système sanitaire est à la merci d’une seule entreprise », avertit un spécialiste du collectif. Les fournisseurs insistent également sur le risque de hausse des coûts de maintenance et des consommables, qui seraient fixés sans contrôle par le duo ACD-KFW. Les patients et l’État pourraient être lourdement pénalisés par cette situation.

Selon le collectif, la passation viole plusieurs articles du Code des marchés publics :

Article 26 : libre concurrence et égal accès aux marchés.

Article 60 : obligation d’égalité de traitement des candidats.

L’ARCOP exige que la disponibilité des crédits soit confirmée avant la conclusion d’un marché, ce qui n’a pas été respecté. KFW n’ayant jamais formalisé le financement, la justification budgétaire avancée par le ministre des Finances de l’époque, Moustapha Ba, est insuffisante et pourrait être considérée comme illégale.

 

Appel à l’actuel ministre de la Santé

Le collectif insiste : l’actuel ministre de la Santé, Ibrahima Sy, ne doit pas cautionner ce marché, malgré l’appui apparent de la Cour suprême. Au nom du Jub-Jubal-Jubbanti, le collectif demande expressément au ministre de casser ce marché, afin de respecter le Code des marchés publics et de protéger le système sanitaire comme ce fut le cas avec les projets de Ellipse.

« La modernisation de nos hôpitaux ne peut justifier la violation des règles et la création d’un monopole. Nous appelons le ministre Ibrahima Sy à faire preuve de responsabilité et à revenir aux principes de transparence », précise un représentant du collectif.

Cette démarche s’inscrit dans la continuité de la mission de l’ARCOP et du ministère de veiller à la concurrence loyale et à la bonne gestion des deniers publics. Le collectif estime que valider ce marché serait cautionner l’illégalité, au détriment des fournisseurs sénégalais et de l’intérêt général.

 

Le précédent des ambulances : une jurisprudence ignorée

En 2015, l’ARMP (aujourd’hui ARCOP) avait annulé un marché d’ambulances passé par entente directe au profit de MECOMAR, qui avait bouclé le financement. Le marché avait ensuite été réattribué via appel d’offres ouvert à ACD. Le collectif dénonce la répétition de pratiques similaires, mais cette fois avec ACD et KFW, ce qui constitue un recule éthique et réglementaire.

« Le précédent aurait dû servir de leçon. Passer outre revient à piétiner l’éthique et les règles de concurrence », note un membre du collectif.

 

Aujourd’hui, force est de constater que c’est contre toute éthique que cette même société veut faire renouveler ces ambulances accompagnées d’autres équipements dans le cadre d’une entente directe en lieu et place d’un appel à la concurrence ; ce qui foule au pied les principes de liberté d’aces, d’égalité de traitement, de transparence et d’intégrité des procédures prévue par l’article 2 de la Directive n° 04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union économique et monétaire ouest africaine, de l’article 24 du Code des Obligations de l’Administration et de l’article premier du Code des marchés publics.

 

Surfacturation de 20 milliards :

Le marché initialement proposé à 55 milliards FCFA en 2022 par ACD a été porté à 71 milliards FCFA en 2023, justifié par la conjoncture économique. Le collectif dénonce une augmentation injustifiée de 16 milliards, aggravée par un contrôle des prix expédié en seulement 24 heures, insuffisant pour garantir la transparence et l’équité.

Un représentant du collectif explique : « Nous ne demandons pas d’empêcher la modernisation des hôpitaux, mais nous exigeons que cela se fasse selon les règles, avec égalité et transparence. Si ACD obtient ce monopole, ce sont des milliards qui iront à une seule société, alors que d’autres fournisseurs, pourtant qualifiés et investis depuis des années, seront évincés. »

Un expert du secteur ajoute : « La concentration du marché représente un risque sanitaire majeur. Une panne ou un retard de livraison pourrait affecter tout le pays. C’est un véritable cas de dépendance critique du système de santé. »

Le collectif demande à l’ARCOP d’exercer ses prérogatives prévues aux articles 20, 21 et 22 du décret 2023-832, afin de garantir la transparence, la concurrence loyale et la bonne gestion des deniers publics.

Il insiste : il ne s’agit pas d’entraver un projet sanitaire, mais de préserver la gouvernance et la sécurité des patients, et de garantir un accès équitable aux marchés pour toutes les entreprises. Le collectif rappelle que cautionner ce marché aujourd’hui reviendrait à ignorer les violations du Code des marchés publics et les risques de monopole. Ce marché de 71 milliards FCFA devient un véritable cas d’école pour l’ARCOP et le ministère de la Santé. Il illustre l’importance de la vigilance, du respect des procédures et de l’équité dans la passation des marchés publics, pour éviter monopoles, surfacturations et risques sanitaires. Pour le collectif des fournisseurs, cette affaire pourrait devenir une jurisprudence majeure, rappelant que la transparence et la concurrence sont indispensables pour garantir la performance et la sécurité du système sanitaire sénégalais.

Le message est clair : le ministre Ibrahima Sy, au nom du Jub Jubal Jubbanti, doit casser ce marché, afin que la santé publique ne devienne pas l’otage de quelques entreprises.

 

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