La mission dirigée par Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, devait s’achever le 4 novembre. Elle a finalement été étendue. « Je pense que c’est important de retourner un peu en arrière », a expliqué Edward Gemayel, au moment de revenir sur le chemin parcouru entre l’institution de Bretton Woods et l’Etat du Sénégal lors d’un entetien accordé à l’APS. « Le rapport Mazars a été finalisé à la fin juin. C’est à ce moment-là où on avait une bonne donnée sur la dette publique qui nous a permis de pouvoir avancer au niveau du nouveau programme. En juillet, on a mis une stratégie pour résoudre le misreporting. En août, on a visité Dakar. En septembre, il y a eu une autre visite », a-t-il ajouté.
Le processus, amorcé il y a plusieurs mois, s’est intensifié en octobre à Washington, avant de se poursuivre à Dakar pendant plus de deux semaines. « À ce stade-là, on a fait énormément de progrès au niveau de nos discussions sur les politiques économiques et sur les réformes nécessaires pour le nouveau programme, ainsi que sur les mesures correctrices pour la dette non dévoilée », dit-il.
Une économie jugée résiliente
Le chef de mission du FMI a dressé un bilan globalement positif de la conjoncture : « On note la résilience de l’économie sénégalaise, malgré les différents problèmes auxquels elle fait face. La croissance cette année, on l’estime à peu près à 8 %, ce qui est une très forte croissance ». Cette performance, a-t-il ajouté, devrait connaître un léger repli en 2026, en raison d’une baisse de la production d’hydrocarbures, sans que cela n’affecte la dynamique du reste de l’économie.
Selon lui, « l’inflation est toujours sous contrôle », et les autorités ont montré « une détermination très claire à améliorer la situation des finances publiques ». Gemayel a rappelé que « le déficit du budget était à peu près de 13,5 % du PIB l’année passée. Cette année, il est estimé atteindre 7,8 %. Les données préliminaires démontrent que cet objectif sera atteint ».
Le projet de loi de finances initiale pour 2026 confirme cette orientation d’après le représentant. Il prévoit un déficit ramené à 5,4 % du PIB, avec une cible de 3 % en 2027, « en phase avec les recommandations régionales ». Pour Gemayel, ces efforts s’inscrivent dans « l’esprit de transparence et de bonne gouvernance qu’ils avaient initié lorsque ce nouveau gouvernement a été nommé ».
Des marges de vigilance
Si les discussions avancent, le FMI appelle à la prudence sur certaines projections budgétaires. « Sur la question de la LFI 2026, où les recettes sont assez conséquentes, on a recommandé aux autorités d’être un peu plus vigilantes, plus conservateurs dans les projections », a indiqué Edward Gemayel.
Le Fonds Monétaire international invite à s’assurer que les nouvelles mesures fiscales prévues dans le Plan de redressement économique et social (PRES) produisent les résultats escomptés. « On a dit aux autorités de faire attention, juste pour s’assurer qu’il ne faut pas être trop optimiste », a-t-il précisé.
Pour autant, il estime que sur l’essentiel des réformes, « on est en phase ». Les mesures correctrices liées à la dette cachée, la publication du stock de la dette ou encore la fin des aides de confort avancent, selon lui, dans le bon sens.
Vers un nouveau programme
L’institution et les autorités sénégalaises veulent désormais conclure rapidement un nouveau programme. « Il y a un engagement très fort de notre directrice générale. Nous-mêmes, on était là pour deux semaines et on est restés un peu plus, pour montrer la force de cet engagement », a déclaré Edward Gemayel, sans toutefois avancer de date.
Les discussions finales devraient se poursuivre « dans les semaines à venir, virtuellement à partir de Washington ».
Le gouvernement sénégalais, selon lui, n’a pas attendu le FMI pour agir. « Depuis l’année passée, il était en train de mettre en œuvre des réformes et des politiques économiques très positives. Rien que le budget, par exemple. L’année passée, le déficit était à 13,5 % du PIB. Cette année, sans programme avec le FMI, le déficit sera à 7,8 % », explique-t-il.
Il cite également « une allocation de 35 milliards de francs CFA pour les transferts aux ménages vulnérables » inscrite dans la loi de finances 2026.
Le dossier du misreporting
Concernant le dossier du misreporting, Edward Gemayel a détaillé la démarche en deux volets : « Le premier pilier, c’est les mesures correctrices qu’il faut mettre en place pour éviter qu’il y ait une répétition de ce qui s’est passé dans le passé. Il y a une batterie de 10 à 11 mesures dont les autorités sont d’accord et qu’elles sont en train de mettre en œuvre ».
Le second volet porte sur la négociation du nouveau programme, que le FMI souhaite faire aboutir rapidement. Les deux dossiers pourraient, selon lui, être soumis simultanément au Conseil d’administration.
La question des subventions
Interrogé sur la baisse des prix de l’énergie annoncée par le gouvernement, Edward Gemayel a affirmé : « On est très clair sur la volonté des autorités de contenir les subventions, et même de les baisser. Les subventions à l’énergie baissent d’une façon assez conséquente, à peu près de 30 à 40 % par rapport à cette année ».
Il a toutefois insisté sur la nécessité de préserver les filets sociaux. « Avec la baisse des subventions, les transferts pour l’électricité doivent être assurés, et ceci est prévu dans la loi de finances 2026 », a-t-il ajouté.
Sur la dette et les perspectives
Evoquant la question de la dette publique, estimée à 132 % du PIB, le chef de la mission du Fonds International pour le Sénégal a indiqué que « les autorités souhaitent la mettre sur une tendance baissière ». Il a évoqué une double approche : la consolidation budgétaire et une « gestion active de la dette » pour transformer certains prêts à court terme en prêts à long terme, une stratégie jugée « appropriée ».
Au cours de cet entretien, Edward Gemayel a tenu à rappeler le rôle de l’organisme international souvent ciblé par les politiques : « Notre objectif est d’aider les Sénégalais, de faire en sorte que la population ait une économie plus propice à l’emploi et à la croissance ».


